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QUELQUES VILLES
QUELQUES HISTOIRES

GLASGOW

Meurtre à Cumbrae

1999




CHAPITRE I
CHAPITRE II
CHAPITRE III
CHAPITRE IV
CHAPITRE V
CHAPITRE VI
CHAPITRE VII
CHAPITRE VIII



A mon co-locataire, Mario Van den Steen,



CHAPITRE I

Sur la côte d'une station balnéaire écossaise, quelques piétons et véhicules embarquèrent dans un ferry. Le bateau pouvait contenir une vingtaine de voitures et environ cent cinquante passagers mais en ce jeudi après-midi de plein hiver, il semblait vide. A l'intérieur, plusieurs personnes d'un âge avancé chargées de nombreux sacs de courses bavardaient. La tempête qui avait soufflé sur la région quelques jours auparavant retenait les conversations. Même les plus âgés n'avaient pas souvenance d'avoir vu la Main Street de la station balnéaire entièrement sous eau. A un certain moment, il y eut même de très longues pannes d'électricité.
-J'ai habité toute ma vie ici, jamais, je n'ai vu cela dit une vieille dame.
-Je n'ai pas pu rentrer chez moi le jour de la tempête dit un homme d'une trentaine d'année avec un bambin sur ses genoux. Et le soir de la coupure de courant, j'ai eu peur des pillages, on ne sait jamais ce que certains seront tentés de faire en de pareilles circonstances... Des gens rôdaient dans les rues.
-Moi, je me suis barricadé chez moi avec deux bougies allumées, j'ai déjà si souvent peur lui répondit la vielle dame.
Près d'eux, deux camionneurs et un homme habillé d'un costume veston cravate attendaient silencieusement la fin de la traversée. Un peu à l’écart des autres passagers, un homme de très grande taille, le visage mal rasé et les cheveux ébouriffés était aussi assis, un grand sac sur les genoux. Dehors, le ciel était tantôt bleu tantôt blanc tandis que la mer était si calme que l'eau semblait y stagner. Malgré le froid intense, deux ou trois personnes étaient restées sur le pont. Une jeune dame munie d'un petit sac à dos bleu s'assit même pendant quelques secondes pendant que deux hommes d'une vingtaine d'années regardaient la côte de la station balnéaire s'éloigner en s'amusant à se lancer l'un l'autre à la figure leur sac de linges respectif.

La distance séparant la station balnéaire où le ferry était parti de l'île où il devait se rendre ne dépassait pas deux kilomètres. Une dizaine de minutes à peine après son départ, le ferry ouvrit sa grande porte. Peu après, les passagers arrivèrent sur l'île de Cumbrae, une petite île de seize kilomètres de périmètre à une cinquantaine de kilomètres à l'ouest de Glasgow. Les personnes âgées et la jeune femme au sac bleu prirent le bus vers Millport, le village de Cumbrae, au sud de l'île pendant que les deux camionneurs, l'homme au costume et l'autre homme avec le petit garçon reprirent leur véhicule dans la même direction tout comme l'homme au grand sac qui, lui, enfourcha son vélo. Les deux hommes du pont, se dirigèrent, eux, à pied vers le nord de l'île. En arrivant à Cumbrae ce jour-là, tous savaient pourquoi ils avaient posé leurs pieds sur l'île mais aucun ne se doutait que l’un d'eux, très bientôt, ne pourrait plus jamais reprendre ce même ferry vivant.




CHAPITRE II

-La mort remonte à une douzaine d'heures dit le médecin légiste à l'inspecteur de police. Elle est morte étouffée très probablement dans la soirée ajouta-t-il.
La victime semblait dormir, gisant au fond d'un petit bateau de plaisance dans le port de Millport, le village de l'île. Un gamin roulant à vélo avait été intrigué par l'arrêt soudain de son chien sur le bateau. Effrayé, il avait tout de suite contacté la police. Le propriétaire du bateau, un résident de Millport affirma n'avoir jamais vu la jeune femme décédée. Cette dernière fut cependant rapidement identifiée. Hollandaise de vingt-sept ans, dénommée Penelopa Dewres, elle habitait la station balnéaire faisant face à l'île, depuis qu'elle avait quitté ses Pays-Bas d'origine six mois auparavant pour aller travailler en Ecosse. Elle partageait un appartement avec un collègue venu aussi du continent pour travailler sur l'île britannique. La police l'interrogea. C'était un jeune homme d'allure robuste. Derrière ses petites lunettes brunes, il semblait perdu par ce qui venait d'arriver.
-Des ennemis, non, je ne lui connaissais pas d'ennemis. Vous savez, c'était une fille très gentille, très sociable, plutôt du genre à s'entendre avec tout le monde. Je ne comprends vraiment pas ce qui s'est passé. Un étouffement dites-vous...
Il ne dit plus rien pendant un moment. Après quelques secondes de silence, l’assistant de l’inspecteur de police reprit la conversation.
-Vous êtes Ecossais demanda-t-il au jeune homme aux lunettes brunes.
-Heu ! Pardon ? Ecossais, non, je viens de Belgique, ce drapeau, vous savez, c'est seulement pour montrer ma sympathie pour le peuple écossais, sans plus, je ne suis pas nationaliste, vous savez...
Un grand drapeau bleu traversée par une croix blanche pendait en effet sur un mur de la pièce de séjour.
-Non, vraiment, je ne vois pas vers où vous devez orienter votre enquête dit encore le jeune homme.
-Savez-vous pour qui elle travaillait interrogea encore l’assistant ?
-Pour ABM, comme tous les étrangers de la région.
Plus tard, dans l'après-midi, l'inspecteur de police parlait avec son assistant.
-Je crois qu'il va falloir passer en revue tous ses collègues, en commençant par les Hollandais qui travaillaient avec elle. J'ai une liste de quinze de ses collègues néerlandais.
-Et puis vous interrogerez les quatre cents autres et treize autres nationalités qui travaillaient dans son service lui demanda son assistant ?
- S'il le faut, oui. Et on va commencer tout de suite par le propriétaire du bateau dans laquelle elle a été retrouvée...




CHAPITRE III

-Monsieur Arran, vous êtes le propriétaire du bateau dans laquelle la victime a été retrouvée, vous ne sauriez pas ce que faisait Madame Dewres à Cumbrae cette nuit-là questionna l'inspecteur de police.
-Mais comment voulez-vous que je le sache ? Je vous l'ai dit, je n'ai jamais vu cette personne ! En général, on vient plus à Cumbrae pour une journée que pour une nuit. Des pubs ici, il y en deux ou trois pas plus... Mais allez les voir, celui du Royal George Hotel, par exemple, il y a pas mal de gens qui y passent... Il y des personnes plus intéressantes que moi à interroger ici, vous savez... Ce que je ne comprends pas, c'est que des gens viennent sur mon bateau pour y tuer quelqu'un.
-En fait, elle y a été déposée. Elle a été assassinée ailleurs, par étouffement précisa l'inspecteur au propriétaire du bateau.
-Hm, hm... et vous allez m'indemniser ?
-Vous indemnisez demanda l'inspecteur manifestement étonné.
-Bien oui, ça pue la mort maintenant dans mon bateau.
-Allez, allez, vous voyez bien que l'on a déposé la victime avec le plus grand soin. On n’a touché à rien lui répondit l'assistant de l'inspecteur.
-A oui, ça c'est vrai, ils ont été vraiment très soigneux pour déposer un cadavre par terre avec un coussin sous la tête, quelle attention charmante !

Au moment de sortir de chez Arran, un garçon de sept huit ans croisa avec son vélo les hommes de police.
-Alors ? Alors ? Vous l'avez trouvé l'assassin ? C'est qui ? Il est en prison maintenant j'espère leur dit le garçon.
-Ah ! Bonjour Bruce, merci encore de nous avoir contactés lorsque tu as découvert la victime. C'est très bien ce que tu as fait, tu sais lui répondit l’inspecteur.
-Mais qui l'a tuée, qui ? Vous savez, il y des gens bizarres ici à Cumbrae, près de la cathédrale, il y toujours un monsieur très grand avec un sac, il est très méchant, vous savez...
Le garçon dirigea son doigt en direction de la cathédrale de Cumbrae, surnommée par les gens de l'île la plus petite cathédrale de Grande-Bretagne. Son clocher apparaissait timidement derrière quelques arbres dénudés et sous un ciel bleu très pâle qui sentait l'hiver glacial d'un matin du mois de janvier. Le nez du petit Bruce était rougi par la froidure. L'assistant de l'inspecteur, lui aussi, manifestement, avait froid.
-Dites, Inspecteur si nous allions voir au pub...
-Oui, tout de suite.
-Au revoir Bruce dirent les deux hommes.
-Au revoir Messieurs.

Sur la digue qu'ils empruntèrent pour se rendre au pub de l'hôtel, le givre avait parsemé le sol sur lequel l'assistant de l'inspecteur glissa plusieurs fois, distrait qu'il était par la vue sur le golfe de la Clyde, la partie de mer séparant la terre ferme de l’île de Cumbrae ainsi qu’une autre île, sa petite sœur en quelque sorte, Little Cumbrae. Cette dernière semblait n'être rien d'autre qu'un gros rocher aux herbes rousses et sèches. Elle était habitée uniquement par un vieillard millionnaire; minuscule, aucun ferry ne s'y rend. Le pub de l'hôtel se trouvait au premier étage. Du papier peint défraîchi aux armoiries du chardon d'Ecosse ainsi que des photos du vieux Millport meublaient les murs. Les deux hommes interrogèrent la serveuse.
- Oui, oui, je l'ai vue hier, elle était avec un homme un peu plus âgé qu'elle, quelqu'un de Cumbrae, je pense dit-elle aux policiers en tenant dans sa main une photo de la victime que venait de lui montrer l'inspecteur.
-Vous pensez demanda encore ce dernier.
-Oui, enfin, je l'ai vu quelques fois ici répondit-elle.
-Un homme d'une cinquantaine d'année assis à une table à côté intervint.
-Mais oui, ce type, il est de Cumbrae. C'est le fils Bute. Il travaille dans le magasin de jouet de son père à la Guildford Street.
-Vous le connaissez demanda l'assistant ?
-Oui, enfin pas vraiment, de vue uniquement lui répondit l'homme.
-Et bien, nous allons faire un petit tour dans ce magasin conclut l'inspecteur en se levant en direction de la sortie.

L'inspecteur et son assistant sortirent de l'hôtel et parcoururent dans une rue déserte les deux cent mètres qui séparaient l'hôtel du magasin. Ce dernier se situait en effet à la Guildford Street le long de baie de Millport. L’assistant à nouveau observait l'eau du Golfe étrangement calme. On pourrait croire que le temps s’était arrêté sur cette île pensa-t-il. Puis, les deux hommes entrèrent dans le magasin de jouet nommé Miscellany. Les bateaux et phares en bois, les cartes postales et les tableaux qui s'y trouvaient partout sans compter les poissons peints au bas de la façade évoquaient tous la mer. L'assistant Seerock s'arrêta un moment sur un petit bateau de bois qu'il prît dans sa main et remarqua le nom du bateau "Cathédrale des îles" peint en bleu sur la coque. Il fixa aussi une carte postale représentant Cumbrae vue du ciel.
-Cette photo, vous ne la trouverez qu'ici, j'en ai l'exclusivité lui dit le vendeur du magasin.
-Ah ! Oui, très bien lui répondit l'assistant.
-Vous êtes Monsieur Bute interrogea l'inspecteur.
-Lui-même répondait l'homme du magasin. L'homme qui était devant les deux policiers devait avoir une trentaine d'année.
-Bonjour, permettez-moi de moi de me présenter, je suis l'inspecteur de police Mc Search de la Brigade Criminelle à Irvine et voici mon assistant Steven Seerock. Nous enquêtons sur le meurtre de Penelopa Dewres. Une jeune hollandaise résidant à Largs a été retrouvée morte jeudi matin dans un bateau du port de Millport. Que faisait-elle à Cumbrae ce jour-là est la question que nous nous posons.
-Ah bon, une Hollandaise ?! Une jeune Hollandaise dites-vous ?
L'inspecteur montra sa photo.
-Mais oui, c'est bien elle ajouta-t-il.
-Pardon, vous la connaissiez demanda l'inspecteur ?
L'homme du magasin semblait songeur.
-C'est à dire que je l'ai vu... avant-hier, oui, c'est cela avant-hier. Elle est entrée dans le magasin pour acheter quelques cartes postales, puis m'a posé beaucoup de questions sur Millport, Cumbrae et tout ça, vous savez les touristes sont parfois si curieux. Et puis...
-Et puis tu l'as draguée lança un homme d'une soixantaine d'année qui venait d'entrer dans le magasin par une porte située au fond de la pièce.
-Heu ! ... Non enfin... Messieurs, permettez-moi de vous présenter mon père.
-Et qui sont ces Messieurs demanda-t-il à son fils.
-Ces messieurs sont de la police... Tu te rappelles la dame, une étrangère, qui est passée ici il y a deux jours, elle a été retrouvée morte hier matin dans un bateau du port, assassinée paraît-il.
-Assassinée ? Mais que s’est-il passé ? David, tu étais parti avec elle dit-il à son fils.
-Bien oui, comme je vous disais, elle posait plein de questions. Alors finalement, on a été boire un verre.
-Quelle heure était-il à ce moment-là demanda Mc Search.
-Oh! Il faisait déjà noir, il devait être cinq heures répondit le jeune homme.
-Et que s’est-il passé par la suite interrogea encore l’Inspecteur.
-Et puis alors... A sept heures, ça, je m'en souviens, elle devait partir pour prendre le dernier bateau qui partait ce jour-là.
-Et l’a-t-elle pris ce bateau demanda l'inspecteur.
-Elle devait d'abord prendre le bus jusqu'au bateau, je l'ai accompagné jusque l'arrêt mais on l’a vu partir sous notre nez... Je lui ai dit qu'elle pouvait loger chez nous, qu'une chambre l'attendait. Elle a accepté tout de suite. Mais à ce moment-là, je devais passer chez un ami dans la Clifton Street, je lui ai proposé de m'accompagner mais elle a préféré acheter encore quelques cartes dans la librairie ici au coin. On s'est donné rendez-vous ici même. Et depuis ce moment, je ne l'ai jamais revue. J'ai attendu bien longtemps mais elle n’est pas réapparue.
-Depuis ce moment-là, vous ne l'avez pas revue demanda encore l'inspecteur de police.
-Non.
Les deux hommes de polices quittèrent le jeune homme.
-Ce qui s'est passé après dix-neuf heures reste donc un mystère. Ecoutez, moi je resterai à Cumbrae pour en savoir plus et vous, vous irez interroger ses collègues hollandais demain. Je vais passer la nuit sur l’île dit l'inspecteur à son assistant.
-Vous allez passer la nuit ici ? Ah bon ? Faites attention.




CHAPITRE IV

Une semaine plus tard au bureau de police d'Irvine, l'inspecteur et son assistant parlèrent de leurs recherches respectives. Mc Search commença.
-Deux habitués du pub m'ont aussi affirmé avoir vu Penelopa Dewres et David, l’homme du magasin le jour du meurtre au Royal George Hotel. Au bateau qui fait la liaison entre Largs, la station balnéaire et Cumbrae, j'ai interrogé les gens du bord, cela ne leur disait rien du tout. La mort a eu lieu très probablement le soir même du jeudi sept janvier nous a dit le médecin légiste. Penelopa ou plutôt son cadavre, a donc plus que probablement passé la nuit à Cumbrae. J'ai aussi interrogé les gens de la librairie, ils m'ont dit qu'ils ne pourraient pas dire si elle était entrée ce jour-là dans le magasin, ils voient défiler tant de monde.
-Moi, j'ai interrogé presque tous les Hollandais qui travaillaient avec elle dit l'assistant Seerock. Aucun ne semblait très bien la connaître mais deux d’entre eux m'ont dit qu'un certain Joris est resté à Cumbrae cette nuit-là également. Ce que le premier intéressé, ce nommé Joris, dément vigoureusement.
-Et qui est-il ce Joris demanda l'inspecteur à son assistant.
-C'est aussi un collègue hollandais, il habite à Skelmorlie, la localité voisine.
-Qui vous a dit ça demanda encore Mc Search.
-Deux Hollandaises qui habitent Glasgow, une certaine Rebecca et une certaine Blanche.
-Et ceux de Largs, les avez-vous vu ?
-J'en ai interrogé trois, il faut encore que j'en voie deux, Britt Becker et Roger Muller chez qui j'ai rendez-vous ce week-end.
-Et bien nous irons ensemble voir ces deux personnes ce week-end et une nouvelle visite chez ce Joris s'impose, je pense. On commence demain matin.

Le lendemain, comme prévu, les deux hommes de police arrivèrent dans l'appartement de Britt Becker, situé dans un immeuble rouge au coin de la Church Street et de la Stanlaceplace de Largs. Britt Becker était une grande hollandaise d'une vingtaine d'année aux cheveux très courts rouge pâle.
-Penelopa, non, non, je ne la connaissais pas vraiment, moi vous savez, je suis d'une nature plutôt réservée, je ne parle pas beaucoup, je ne connais pas grand monde.
-Vous n'avez aucune idée de ce qu'elle faisait à Cumbrae ce mercredi interrogea l'inspecteur.
-Pas du tout, je savais seulement qu'elle était en vacances.
-Vous connaissez bien Joris demanda encore l'inspecteur.
-Joris, Joris Van Bliksem ? Tiens, cela fait longtemps qu'on ne l'a plus vu, il doit être en vacances. Attendez, il m'avait dit quelque chose concernant ses vacances. Ca me revient maintenant, il m'avait dit qu'il allait passer à Cumbrae deux ou trois jours.
-Dites-nous un peu questionna cette fois-ci Seerock, en quoi consiste votre travail ? Vous travaillez dans un call center, c’est cela ?
-Nous sommes de purs téléphonistes, rien de plus. ABM a décidé de centraliser ses centrales européennes en Ecosse. Alors, quand vous voulez joindre quelqu'un chez ABM, qu'il travaille à Goteborg ou à Palerme, il se peut que dans les deux cas vous ayez à faire à un téléphoniste qui se trouve en Ecosse.
-Et c’est chouette comme travail demanda encore Seerock ?
-Chouette ? ... Pas vraiment, non. C'est surtout très étrange. On travaille dans une espèce de hangar, une pièce immense où toutes les nationalités se retrouvent. Mais attention, les team leader, managers et autres gens du bureau de contrôle veillent, oui, je vous assure, cela s’appelle vraiment bureau de contrôle sans oublier notre employeur, Womanpower. Tous ces gens sont là pour nous contrôler. Bah ! Il faut leur pardonner, ils sont un peu paranoïaques, c'est dans leur nature. Ce sont des obsédés du monitoring. Mon team leader, moi, je l'appelle Mister Target parce qu'il doit tout faire pour que nous respections les objectifs.
-C'est à dire demanda l'inspecteur.
-Par exemple, quatre-vingt-quinze pour cent des appels doivent être répondus dans les cinq secondes. Tous ces appels doivent commencer par la même phrase qu'on répète plus de cent fois par jour: "Goedemorgen ABM Nederland, u spreekt met Britt Becker, waarmee kan ik u van dienst zijn?" Traduction
-Bien, bien, merci pour ces renseignements Madame Becker termina l'inspecteur. Juste avant de quitter l'appartement, l'assistant jeta un coup d’œil par la fenêtre. Le bâtiment massif d'une église aux briques rouges lui faisait face. Sur sa gauche, il aperçut la pointe nord de Cumbrae. La jeune femme reconduisit les hommes de police au seuil de la porte. Une fois les policiers sortis, elle se dirigea vers son téléphone.
-Allo, Joris, oui, ils sont venus ce matin, ils viennent de partir. Ils posent des questions sur toi.

Pour se rendre chez Roger Muller, les hommes de police empruntèrent la Main Street jusqu'à la côte pour longer ensuite la digue de Largs vers le nord. Le brouillard épais se confondait avec la mer. Le ferry parti il y quelques minutes à peine de la digue de Largs pour Cumbrae disparaissait déjà dans le voile de brume entourant l'île. Quelques pas plus tard, Mc Search et Seerock arrivèrent dans la rue où résidait le collègue de Penelopa, une rue résidentielle aux maisons individuelles se terminant en cul de sac le long de la côte. La station balnéaire se composait pour la plupart de petites villas semblables à celle de Roger Muller donnant l'aspect d'une ville couchée lorsqu'on la regardait du haut des collines jouxtées derrière elle. Roger Muller était un jeune homme souriant aux origines asiatiques.
-Bonjour, entrez, vous voulez un café, un thé demanda-t-il.
-Deux thés, merci répondit l'inspecteur.
-Je ne comprends vraiment pas ce qui s'est passé. Vous avez avancé dans vos recherches, cela ne doit pas être facile, vous avez une piste lança Roger Muller.
-Nous sommes en train d'interroger ses collègues. Nous les avons presque tous vus mais tout n'est pas encore très clair. Vous connaissez bien Joris Van Bliksem demanda l’inspecteur.
-Un peu... on ne l'a plus vu depuis un petit temps. C'est vrai, il m'avait dit qu'il allait passer quelques jours à Cumbrae. Il voulait connaître l'île dans ses moindres recoins m'avait-il dit, pour faire des photos... C'est un passionné de photographie, regardez, ce flot de mouettes au mur, c'est une de ses photos qu'il m'a donnée, il l'a prise il y deux mois à Millport. C'est magnifique, vous ne trouvez pas. Il y est allé aussi parce qu’il y avait justement une exposition de photos à Millport qu’il ne voulait pas manquer.

-Vous savez quand avait lieu cette exposition interrogea l’assistant.
-Heu ! Non... mais, attendez un peu... Il m'avait donné un dépliant sur cette exposition mais où l'ai-je mis... Ah ! Le voilà, le vernissage avait lieu le jeudi sept janvier à dix-neuf heures. Il m'avait dit qu'il avait été invité par un ami écossais. Il tenait beaucoup à y aller.
Le jeune homme avait déposé la photo sur la table de salon. L'assistant fixa la photo un moment. Il doit quand même avoir des oiseaux plus intéressants que des vulgaires mouettes à Cumbrae se dit-il.

Quelques minutes plus tard l'inspecteur Mc Search et son assistant Seerock quittèrent Roger Muller et prirent la route vers Skelmorlie, la localité au nord de Largs, où Joris Van Bliksem résidait.
-Monsieur Van Bliksem, c'est vous demanda l’inspecteur ?
-Oui, c'est moi, encore vous, mais j'ai déjà parlé à la police dit-il en entrouvrant à peine la porte d’entrée de son appartement.
-Vous aviez en effet déjà parlé à mon assistant mais moi aussi, je voudrais vous poser quelques questions répondit-il.
-Et vous êtes qui, vous dit encore Joris Van Bliksem en laissant finalement entrer les deux policiers.
-Je suis l'Inspecteur Mc Search de la Brigade Criminelle à Irvine. Que faisiez-vous le jeudi sept janvier au soir dit-il en s’asseyant dans un des fauteuils du salon du Hollandais.
-Je l'ai déjà dit à votre collègue Seerock, je n'étais pas à Cumbrae ce soir-là. Peut-être Arnold qui travaille avec moi pourra vous en dire plus sur la mort de Penelopa dit-il en présentant la personne qui était à ses côtés.
-Ah ! Vous travaillez aussi dans l’équipe néerlandaise interrogea l'assistant au collègue de Joris, un homme d'une quarantaine d'années.
-Oui, oui, en fait, je suis Ecossais mais j'ai passé quinze ans aux Pays-Bas, alors maintenant ici, je travaille encore avec des Hollandais.
-Vous n'étiez pas à Cumbrae le soir du meurtre questionna l'inspecteur à Joris sous un regard insistant.
-Non ! J'étais à Cumbrae du dimanche au jeudi matin. Le jeudi matin, j'ai repris le bateau avec deux films, deux films avec des photos d'oiseaux répondit le Hollandais.
-C'est nouveau, ça ? Vous n’aviez pas évoqué cela lorsque je vous ai interrogé répliqua l'assistant Seerock.
-Bien quoi, il ne faut quand même pas que je dise tout, non mais, moi je réponds à votre question, c'est tout.
-Il y avait un vernissage d'une exposition ce jeudi soir, cela ne vous intéressait pas d'y aller dit Mc Search.
-Si mais finalement, j'ai dû rentrer.
-Vous n'avez pas travaillé de la semaine, alors pourquoi rentrer à Skelmorlie demanda Seerock.
-Mais de quoi je me mêle, je n'ai pas à vous dire pourquoi, pendant mes vacances, je n'ai pas passé tout mon congé à Cumbrae quand même en se renfonçant dans son fauteuil visiblement irrité.
Joris Van Bliksem fixa un moment les murs rouges de son appartement avant de se lever et d’observer la mer grise à travers la grande fenêtre du salon.
-Monsieur Van Bliksem, il y a eu un mort à Cumbrae pendant votre congé, nous avons besoin de votre collaboration dit l'inspecteur en dirigeant lui aussi son regard vers la fenêtre sur laquelle des gouttes de pluie commencèrent de tomber.
-Je suis d'accord avec vous. Mais la seule chose que je puisse vous dire, c'est que je suis rentré le jeudi matin chez moi à Skelmorlie. Jusqu'à la fin du week-end, je me suis reposé et me suis un peu promené dans les environs à Largs et de Wemyss Bay dit-il en rejoignant doucement le fauteuil sur lequel il était assis.
-Et vous Arnold, vous la connaissiez Penelopa demanda l’assistant.
-Penelopa Dewres ? Qu’est ce que je pourrais bien vous dire sur Penelopa sans être méchant répondit l'Ecossais en souriant.
-Vous la connaissiez bien interrogea Seerock.
-Un petit peu oui. Le moins que l’on puisse dire est qu’elle pouvait se montrer légèrement irritante. Je la connaissais un peu, oui, car je la conduisais chaque matin répondit-il. Nous commencions ensemble à sept heures.
-Vous conduisiez beaucoup de monde tous les matins demanda encore l’assistant.
-Chez les Hollandais, Penelopa et Paolo.
-Paolo, il travaille aussi avec vous questionna encore Seerock ?
-Oui, oui, il travaille dans l'équipe néerlandaise bien qu'il soit Belge. Il habite aussi Largs. Penelopa l'énervait aussi un peu. Et même un peu plus qu'un peu, je pense. Il ne la supportait pas en fait dit Arnold.
-Paolo ? Ah ! Bon il ne faisait pas partie de ma liste des Hollandais. Peut-être parce qu'il est Belge dit l'assistant, vous non plus d'ailleurs n’y étiez pas ajouta-t-il.
-Que faisiez-vous le jeudi sept janvier au soir, et que voulez-vous dire par … irritante interrogea encore l'assistant.
-J'étais chez moi avec ma femme, vous n'aviez qu'à lui demander. Elle m'irritait, enfin... Il ne faut pas exagérer, disons que je la trouvais parfois un peu bavarde, c'est tout. Sinon, elle était gentille vous savez dit encore le plus Ecossais des Néerlandais.
-Et bien nous irons le voir au plus vite, ce dénommé Paolo, ce Belge au prénom italien qui travaille avec des Hollandais dans un call center écossais conclut l'inspecteur.


CHAPITRE V

Paolo Delastone était arrivé en Ecosse en septembre de l'année précédente comme la plupart des membres des équipes néerlandaise, belge et italienne lorsque la grande centrale téléphonique européenne d'ABM n'en était qu'à ses débuts. Son travail chez ABM était sa première expérience professionnelle. Ce n'était certes pas la grande compagnie informatique qui l'avait attiré, il ne lui porta d'ailleurs aucune affection particulière. Par contre, il aimait découvrir la nature écossaise et trouvait intéressant de pouvoir parler d'autres langues. En rentrant chez lui ce dimanche soir après s'être promené l'après-midi dans les collines environnantes, il se redemanda pour la cent et unième ce qu'il faisait, en tant que Belge, dans l'équipe néerlandaise. Il avait demandé maintes fois de rejoindre l'équipe belge mais toujours sans succès. Etait-ce sa connaissance du français qui aurait été jugée insuffisante, était-ce une erreur ou était-ce les Hollandais qui tout simplement avait besoin d'un opérateur supplémentaire, il n'en savait rien. Toujours est-il que ce n'est pas quelques mois passés avec ses voisins du nord qui allait faire de lui un Néerlandais. S'il déplorait ne pas pouvoir parler français durant son travail, il avait quand même l'occasion de parler cette langue avec son co-locataire belge, Victor François.
-Salut lui dit-il en ôtant son béret aux couleurs écossaises dévoilant sa chevelure coupée très courte.
-Salut lui répondit son co-locataire dont la tignasse tranchait avec les cheveux courts de Paolo. Affalé sur le divan avec un journal dans une main et la télécommande de la télé dans l'autre, il semblait un peu assoupi. Tu t'es bien promené lui demanda-t-il.
-Oui, oui, toi, t'as l'air d'avoir eu une journée très active lui répondit Paolo.
-Tu as eu une petite visite cet après-midi lui dit Victor François.
-Une petite visite ? Qui ça ? Ton collègue et voisin de bureau Ronaldo Devos-Mayo ?
-Non, la police.
-La police ? Ah oui... pour Penelopa, et ils se permettent de venir un dimanche !
-Ils reviendront un soir de cette semaine mais ils n'ont pas dit quel jour.
-Qu'est ce qu'ils veulent savoir ?
-Ce que tu faisais le jeudi sept janvier au soir.
-Qu'est-ce que tu leur as dit ?
-Que je ne t'ai pas vu ce soir là, c'est tout.
-Ce n'est pas faux, évidemment.
-Tu veux un thé.
-Oui merci, l'homme actif.

La semaine qui suivit fut semblable aux autres pour Paolo Delastone et Victor François comme pour leurs centaines de collègues européens. Dès sept heures du matin et huit heures durant, ces derniers avaient répété aux personnes qu’ils avaient en ligne qu’ils allaient les transférer puis très souvent ont dû leur dire par la suite que la personne à joindre n’était pas disponible mais qu’il était possible de laisser un message, ou encore ont-ils donné un renseignement quelconque sur la compagnie. Encore fallait-il répéter tout cela en des phrases qu’ABM avait elle-même prédéfinies et dont il était quasiment interdit de changer une virgule sans quoi leurs team leader qui régulièrement écoutaient les conversations à leur insu n’auraient pas manqué de pointer le doigt sur le non-respect de ce que la grande compagnie informatique appelaient les « standards d’appels ». Le week-end permettait un tant soit peu d’oublier tout cela ; enfin se reposer et en profiter pour découvrir un peu le pays.

Le vendredi soir, la police remit les pieds dans le domicile des deux Belges. Cette fois-ci, Paolo était présent. Il les débarrassa de leur pardessus et les firent entrer dans le salon.
-Un Hollandais, ça ne parle pas, ça crie lança d’emblée Paolo aux policiers alors que ceux-ci n’étaient pas encore assis. Je n'ai rien à faire avec eux, je suis Belge, moi, pas Hollandais, vous comprenez dit-il encore avant d’inviter les hommes de police à prendre place dans le salon.
-Bien, bien dit Mc Search, vous comprendrez que nous devons malgré tout vous poser quelques questions. Que faisiez-vous le jeudi sept janvier au soir ?
-J'étais chez Smokel, j'ai fait une partie de Snooker avec des copains. Vous n'avez qu'à les interroger, ils vous diront la même chose que moi.
-Quels copains questionna ensuite l'assistant Seerock.
-Des collègues belges, Ronaldo Devos-Mayo et Stephen Weck répondit Paolo.
-Ils habitent aussi Largs demanda encore l'assistant ?
-Oui, oui, allez les voir si vous voulez, Stephen Weck est en Belgique pour le moment mais Ronaldo est bien chez lui répondit-il avant que l’assistant ne reprenne le fil de ses questions.
-Vous connaissiez bien Penelopa ?
-Pas vraiment non.
-Et c'est vrai qu'elle vous agaçait demanda-t-il encore ?
-Non, pas du tout. Non, non, elle était plutôt sympa...
-Donc vous ne parlez pas la même langue que les Néerlandais demanda Seerock d'un air à la fois intéressé et intrigué.
Si, je suis néerlandophone mais pas Néerlandais, je suis Flamand, entre moi et les Hollandais, il y a un point commun, c'est la langue et ça s'arrête là. C'est tout, vous comprenez dit Paolo d'un air à la fois affligé et insistant.
-Et vous Victor, vous la connaissiez Penelopa interrogea l’inspecteur.
-Un peu, sans plus, mais vous croyez vraiment que c'est un de ses collègues qui ait pu faire cela répondit-il.
-Nous ne croyons rien du tout, Monsieur François, nous cherchons l'assassin, sans plus dit l'inspecteur Mc Search.
-Je vous souhaite bonne chance et bon travail lui répondit Victor François.
-Nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour trouver l'assassin, je peux vous l'assurer Messieurs dit Mc Search en les quittant.
Au moment où Mc Search ouvrit la porte pour sortir, Paolo les arrêta.
-Tiens et Dutch Camenbert, vous l'avez interrogé demanda-t-il.
-Pardon, qui ça demanda l'inspecteur visiblement surpris.
-Bien oui, mon supérieur, mon tendre et adoré team leader. Il passe son temps les yeux rivés sur un programme de son ordinateur en forme de camembert qui lui permet de savoir, qui, parmi ses agents, est en ligne, qui ne l'est pas, depuis combien de temps on est en train de parler etc. Alors, moi, je l'appelle Dutch Camembert. Mais il ne sent pas mauvais, vous savez, ça non, quand même.
-Nous ne l'avons pas encore interrogé mais nous le ferons, Monsieur Delastone, au revoir dit l'inspecteur en sortant.
-Moi, je n'y comprends rien à toute cette histoire dit Victor en se dirigeant vers la cuisine.
-Tu crois que j'y comprends quelque chose moi ? Je n'y comprends rien du tout, les Hollandais m'énervaient déjà et comme si cela ne suffisait pas, non seulement, il a encore fallu qu'on assassine un des leurs mais qu'en plus, on vienne me déranger avec ça.
-On verra ce qu'on verra dit Victor en retournant dans la salle de séjour avec deux tasses de thé. En attendant, si on faisait une partie d'échec.
-D'accord répondit son co-locataire en se dirigeant vers la table pour étendre le jeu. Ah ! Maintenant enfin le week-end, avec la police, je ne suis même tranquille le vendredi soir. J'espère qu'ils ne reviendront pas dimanche ajouta-t-il en retrouvant peu à peu son air placide. Bon, pensons maintenant à autre chose dit-il encore en regardant le jeu d’esprit qui s’étendait à présent devant ses yeux. Ta dame va bientôt disparaître comme une Hollandaise a disparu un soir à Cumbrae dit-il encore.

Le lendemain, en début d'après-midi, Paolo Delastone et Victor François prirent le train pour la gare centrale de Glasgow. Ce n'était pas la première fois qu'il se rendirent dans cette ville, peu à peu ses rues, ses bâtiments, ses magasins leur apparurent familiers. Sortis de la gare au toit de verre et de barres métalliques blanches, ils se perdirent dans la foule des rues commerçantes, s'arrêtèrent dans deux énormes libraires aux multiples étages et finirent par descendre dans une station de métro. Le métro de Glasgow tournait en boucle en s'arrêtant à quinze stations. Les deux hommes étaient descendus à la station Hillhead à deux pas d'un musée dans le nord-ouest de la ville.
-Tu te rends compte dit Victor avec ce métro qui tourne en boucle, si tu t'endors sur la banquette, tu peux faire dix fois le tour de la ville pour le prix d'un ticket de métro.
-Hm, hm... . Intéressant, je ne suis pas convaincu que ce soit la meilleure manière de voir la ville, enfin...
-Oui, c'est vrai, pour voir la ville, mieux vaut avoir les yeux ouverts.

En sortant de la bouche de métro, les deux hommes parcoururent les quelques pas qui les séparaient encore du musée. Le musée qu'ils avaient l'intention de visiter était l'Hunterian Museum, situé dans l'enceinte même de l'Université de la ville. Celle-ci fut fondée en 1451 par l'évêque de Glasgow, William Turnbull, et fut située pendant cinq siècles dans le quartier de la Cathédrale. Les premiers cours furent donnés dans la Cathédrale même. Au dix-neuvième siècle, elle déménagea à son endroit actuel. Les deux hommes rentrèrent dans le musée. Si Paolo observa minutieusement les pièces laissées par l'empire romain en Ecosse, Victor n’y resta que quelques minutes puis sortit pour se promener au dehors. Il traversa une grande cour intérieure avant de se retrouver au pied du Gilmorehill building, un grand bâtiment massif néo-gothique qui surplombait la ville donnant à l'Université un visage majestueux. Peu après, Paolo le rejoignit. Malgré le temps froid, les deux Belges s'assirent sur un banc placé le long du Gilmorehill building. Devant eux, la ville gagnée de plus en plus par l'obscurité s'offrait en panorama. A leurs pieds se trouvait le Kelvingrovepark traversé par la rivière Kelvin qu’ils devinaient malgré l’obscurité naissante ; sur leur droite, leurs regards s'arrêtèrent sur un autre musée, le Kelvingrove Museum, un grand bâtiment aux grès rouges puissamment éclairé.
-Toute cette histoire est ridicule. Pourquoi un Hollandais aurait-il tué Penelopa ? Je ne vois aucune raison. T'en vois une, toi, demanda Victor à son co-locataire en agitant nerveusement son petit doigt.
-Non, enfin... Sans doute, elle a du tombé sur un fou qui s'est offert une petite fantaisie.
-Une petite fantaisie ?
-Oui, enfin... Note qu'il n'a pas tout à fait eu une mauvaise idée, l'assassin.
-Pardon ?
-Je veux dire, tuer Penelopa peut se comprendre, je n'irais pas jusqu'à le justifier. Mais quand même, elle peut énerver, c'est normal... Tout le monde peut de temps en temps s'énerver, même moi... Et Penelopa énervait tout le monde !
-Même toi, tu veux dire... Tu veux dire que tu te serais énervé un jeudi soir à Cumbrae ?
-Je ne dis pas cela. Je ne dis pas cela. Non. Tu ne vas pas commencer toi aussi à m'agacer. Laisse-moi tranquille. J'ai froid, rentrons.

Le métro de Glasgow était semblable à une chenille dans laquelle tous les voyageurs se faisaient face, comme Paolo et Victor face à Rebecca et Blanche, deux collègues hollandaises à un certain moment.
-Alors, il y a du nouveau dans l'enquête demanda Blanche.
-Apparemment pas, la police est revenue chez nous hier soir. Ils m'ont encore questionné. Je veux bien les aider mais je n'ai rien à leur dire lui répondit Paolo.
-Si ce n'est que tu n'as pas d'alibi lui dit Victor.
-C'est à dire, je leur ai dit que je suis allé faire un Snooker avec Ronaldo Devos-Mayo mais... . Joris n'a rien dit de spécial cette semaine ?
-Non, il dit sans cesse qu'il n'a rien à voir avec cette histoire, que la police l'énerve encore plus qu'ABM lui répondit Rebecca.
-Et vous, vous avez votre alibi lui demanda Victor François.
-Moi, j'étais en Hollande le jour du drame lui répondit dit Blanche d'un ton très calme.
-Moi, j'étais à Glasgow, comme d'habitude dit Rebecca. Ils ne m'ont pas semblé très malins ces policiers, je n'oserais pas dire que c'est parce qu'ils sont flics mais, franchement...
-Toute cette histoire commence à m’exaspérer dit Paolo juste avant que Rebecca et Blanche ne descendirent. Deux stations plus loin, les deux hommes quittèrent le métro également et prirent la direction de la gare.




CHAPITRE VI

Les semaines qui suivirent, le call center n'entendit plus parler de l'enquête policière. Penelopa Dewres n'était sans doute pas oubliée mais son souvenir apparaissait comme de plus en plus lointain, sa mort n'était plus évoquée par quiconque pas même dans l'équipe néerlandaise. La grande centrale téléphonique d’ABM restait rythmée par ses milliers d'appels quotidiens. Si les appels restaient les mêmes, le personnel chargé d'y répondre, lui, changeait régulièrement ; sans doute était-il vite lassé voire dégoutté du travail extrêmement répétitif ou même victime du burn-out, terme scientifique désignant la tension du cerveau suite à la tâche répétitive, accompagné de plus d’un contrôle permanent et d’un salaire plus que modeste. Un soir du mois d'avril, le téléphone sonna chez un responsable du call center.
-Allo... Alex Koker ?
-Lui-même, oui...
-Bonjour, mon nom est Vincent McTaggart, je suis journaliste au Largs & Millport Weekly, je cherche des informations sur la mort de Penelopa Dewres, je voudrais vous voir à ce sujet. Vous êtes le Team Leader de l'équipe hollandaise, je pense...
-Ce que j'avais à dire, je l'ai dit à la police, je n'ai plus rien à dire, c'est une histoire ancienne maintenant.
-Une histoire ancienne peut-être mais pas encore résolue à ce jour. Les Largsois et Millportois ont le droit d'en savoir plus, vous ne trouvez pas. Quand peut-on se voir ?
-Pas cette semaine en tout cas... La semaine prochaine, si vous voulez... Attendez, je prends mon agenda, le mercredi quinze avril, ça vous convient ?
-Le mercredi quinze avril, d'accord au Flanagans, ça vous va ? Je serai assis tout au fond.
-Bon, d'accord, je viendrai puisque vous insistez.

Le mercredi quinze avril au soir, le responsable de l'équipe néerlandaise traversa un bar aux murs de briques rouges jonchés de dessins. Vincent McTaggart se trouvait comme prévu bien assis au fond de l'établissement.
-Monsieur Koker demanda McTaggart.
-Oui, bonjour, Monsieur McTaggart, je présume.
-Oui, asseyez-vous, que voulez vous boire ?
-Une bière merci.
Le journaliste avait une bonne trentaine d'années, ses grands yeux fixèrent le Team Leader néerlandais pendant un moment.
Le leader de l'équipe néerlandaise, un peu plus jeune que le journaliste observa l'endroit, l'allure détendue.
-Dites-moi un peu, Monsieur Koker, quel genre de fille était-elle, Penelopa.
-La seule chose que je puisse vous dire, c'est qu'elle faisait bien son boulot. Pour le reste, je ne la connaissais pas personnellement.
-Comment se passaient ses relations avec ses collègues ?
-Pour autant que je puisse en juger, elles étaient bonnes. Ce dont je suis sûr, c'est qu'elle était une opératrice zélée, elle prenait plus de deux cents appels par jour.
-Qu'est-ce qu'il l'a amenée ce jour-là à Cumbrae, pensez-vous ?
-Ca, je n'en sais rien, peut-être oublier ses deux cent appels quotidiens... Alex Koker dirigea son regard vers les murs du bar et observa les nombreux personnages suspendus dans le vide peints sur les murs de briques rouges. Représentaient-ils l'enfer se demanda-t-il.
-Tiens et où est-elle Penelopa maintenant demanda McTaggart.
-Pardon ? Où est-elle ? Son corps a été rapatrié aux Pays-Bas. Franchement, moi, je ne sais pas ce qui a pu se passer ce soir-là à Cumbrae, vous savez...
-Merci quand même Monsieur Koker.

Quelques semaines plus tard, le journaliste reçut un appel d'un autre Néerlandais, Joris Van Bliksem.
-Allo, Monsieur McTaggart, je voudrais vous voir, tout de suite si possible.
Quelques minutes plus tard, le journaliste et l'opérateur néerlandais se retrouvèrent au pied du Pencil Monument de Largs, une petite tour le long de la côte de Largs dédiée à la victoire des Ecossais contre les Vikings en 1263. Les deux hommes s'assirent sur un banc face à la côte et face à Cumbrae sous un ciel gris chargé de nuages lourds.
-Il était temps que je parle, je ne peux plus continuer comme ça, un jour, il faut que cela sorte, vous savez lança Joris.
-Que sorte quoi lui demanda le journaliste.
-Le jeudi sept janvier au soir, le soir du meurtre, j'étais à Cumbrae contrairement à ce que j'ai dit à la police.
-Et...
Joris regardait les nuages gris de plus en plus menaçants. Quelques gouttes tombèrent.
-Je suis resté un moment à l'exposition de photos de Kenny Thom dit-il.
-Kenny Thom, le patron du pub "Le Loch" de Millport demanda Vincent McTaggart.
-Oui, oui, lui-même. On a parlé un peu, il m'avait promis de faire une exposition avec mes photos et quand je l'ai vu ce jeudi, il ne voulait plus en entendre parler. Alors, le ton est monté. Je l'ai même menacé de...
Les gouttes de pluie se firent plus nombreuses et plus lourdes. Il n'était plus possible de rester là sans être trempé au bout de quelques minutes.
-Je crois que je ferais mieux de rentrer dit Joris
-J'ai votre numéro de téléphone, je vous rappelle conclut le journaliste.




CHAPITRE VII

Joris et le journaliste poursuivirent leur conversation interrompue par la pluie quelques jours plus tard dans les rues de Cumbrae.
-C'est ici qu'a eu lieu le vernissage de l'exposition et que j'ai vu Penelopa et Kenny Thom pour la dernière fois dit Joris en marchant dans le collège de la cathédrale de Millport. Le collège était un bâtiment adjacent à l'église formant avec une chapelle, un cloître et un réfectoire un ensemble original. En 1849 George Fredericia Boyle, le Comte de Glasgow demanda à l'architecte William ButterField de concevoir une église à Cumbrae. Quelques années plus tard, le bâtiment reçut le titre de cathédrale. Joris observa les lieux charmé par le calme étonnant de l'endroit, je comprends que des gens viennent ici pour se reposer et pour méditer se dit-il.
-Bon alors, vous lui aviez dit quoi à Kenny Thom demanda McTaggart en sortant du collège pour entrer dans le jardin entourant la cathédrale.
-Je l'ai menacé de révéler son trafic de drogue. Il importe de la drogue d'Amérique du Sud en Ecosse via les îles.
-Vous n'avez pas parlé de cela à la police ?
-Non. Ce n'est pas facile, vous comprenez mais je vais les appeler dès demain.
-Et comment a-t-il réagi lorsque vous l'avez menacé de révéler son trafic.
-Il s'est énervé évidemment. Je vous raconte.
-Vous faites cela Monsieur Van Bliksem, vous ne reprendrez plus le ferry vivant.
-Ce sont des menaces, Monsieur Thom ?
-Non, seulement un avertissement.
-J'admire vos nuances, je crois que le temps est venu de m'éclipser. Au revoir Monsieur Thom.
-Non, non, restez, vous prendrez bien encore un petit verre.
-Non, merci, je dois parler à la police vous comprenez...
-Et après, qu'est ce qui s'est passé demanda McTaggart en descendant la College Street en direction du centre de Millport.
-Je suis parti. Un peu rapidement, il est vrai.
-Il ne vous a pas suivi.
-Pas que je sache.
-Et Penelopa, vous ne l'avez pas vu ce soir là par hasard ?
-Si, je l’ai vue, nous avons même parlé un peu mais rien d’important.
-Qui d’autres avez-vous vu ?
-Il y avait une quinzaine de personnes, Thom m'avait présenté à quelques uns de ses amis.
-Bien, j'irai faire un tour prochainement au pub de ce monsieur Thom dit McTaggart en observant les façades de la Guildford Street dans laquelle il marchait maintenant avec le Néerlandais.

Quelques jours plus tard, McTaggart se retrouva à nouveau sur l'île conformément à ce qu'il avait dit à Joris. Il déambula dans les rues de Millport pendant un moment avant de remettre les pieds dans les environs de la cathédrale. Au moment de passer sous le porche du domaine de l'église, un homme de très grande taille tenant un sac en bandoulière l'accosta.
-Eh ! Mais vous êtes Vincent McTaggart, je vous reconnais, vous êtes le journaliste du Largs & Millport Weekly. Dites, ça fait longtemps que vous n'avez plus parlé de Millport, il serait temps, vous savez, Millport se meurt, on nous oublie et tout le monde s'en fiche.
-Bien, justement, je prépare un article sur la mort de Penelopa Dewres, la Néerlandaise assassinée il y trois mois.
-Cette pauvre hollandaise, je crois qu'elle n'aurait jamais dû mettre les pieds sur cette île mais permettez-moi de me présenter, Jack Bagzak, je travaille ici pour le Révérend Skye.
-Enchanté Monsieur Bagzak. Penelopa Dewres n'aurait pas dû mettre les pieds à Cumbrae ce jour-là, ça c'est clair mais cela ne nous dit toujours pas qui l'a tuée. Vous avez peut-être quelque chose de plus à dire sur ce meurtre.
-On peut parler de cela au pub si vous voulez lui proposa Bagzak.
-Oui, tout de suite si vous voulez lui répondit McTaggart.
McTaggart avait à peine terminé sa phrase que Bagzak quittait le jardin de la cathédrale en marchant à grandes enjambées, repassant nerveusement ses doigts dans sa chevelure abondante. McTaggart, de taille beaucoup plus petite le suivait difficilement. Les deux hommes marchaient sous un ciel entièrement recouvert de nuages, tous différents mais tous plus gris les uns que les autres. Il ne faudrait sans doute pas grand chose pour que quelques gouttes de pluies viennent accompagner les deux marcheurs mais jusqu'à présent le sol restait sec. Le journaliste et l'homme au sac empruntèrent quelques rues avant de se retrouver dans le pub de Thom, dénommé le Loch situé dans la Crichton Street, une petite rue isolée le long de la côte. Des peintures de nombreux Loch d'Ecosse peuplaient les murs. McTaggart les observa attentivement et était encore debout que Bagzak, assis à l'une des rares tables du pub, se mit à parler.
-En fait, j'étais aussi à ce vernissage dit-il.
-Oui, et... demanda McTaggart surpris en s'asseyant brusquement.
-Il y avait pas mal de monde ajouta Bagzak.
-Des étrangers aussi ?
-Oui, notamment deux Hollandais.
-Deux Hollandais, qui ça ?
-Il y en avait un, de très grande taille, je l'ai à peine vu, il est parti très vite et plus tard, une Hollandaise est arrivée aussi. C'était Penelopa.
-Penelopa ?
-Oui, oui, je l'ai vu ce soir là.
-Et c'est maintenant que vous le dites, avez-vous informé à la police ?
-Non. Kenny Thom lui a parlé pas mal de temps, il l'a même pris à part à un certain moment et puis je les vus quitter l'exposition ensemble.
-Jack Bagzag avait à peine prononcé ces mots que deux hommes entrèrent dans le pub.
-Bonjour, Inspecteur Mc Search de la police criminelle à Irvine, je voudrais parler à Kenny Thom dit l'Inspecteur apparemment pressé.
-Il est en vacances lui répondit la serveuse. Il sera là lundi ajouta-t-elle.
-Je ne vous demande pas quand il sera là, je vous demande où il se trouve maintenant insista l'inspecteur.
-Ecoutez, il est congé, je ne sais pas où il se trouve pendant ses congés, chez lui peut-être répondit la serveuse.
-Bien, allons chez lui, où habite-t-il demanda encore Mc Search.
-Il habite dans une ancienne ferme dans la College Street. Je peux vous montrer si vous voulez dit Bagzag qui n'avait pas manqué un mot de la conversation.
-Montrez-nous ça tout de suite lui dit l'inspecteur.




CHAPITRE VIII

Les deux hommes de police ainsi que McTaggart suivirent à grand pas Bagzak en direction de la demeure de Kenny Thom. Ils remontèrent la College Street que Bagzak et McTaggart avaient descendue il y a quelques minutes, longèrent le jardin de la cathédrale à leur droite et s'arrêtèrent deux cent mètres plus loin devant une ancienne ferme nommée Breakcow. L'inspecteur Mc Search frappa à la porte.
-Bonjour Madame, Police criminelle d'Irvine, Monsieur Thom est-il là demanda-t-il.
-Kenny ? Non. Il est parti se promener, je ne sais pas quand il rentrera, il ne m'a rien dit répondit la femme de Kenny Thom.
-Et bien, nous l'attendrons, nous pouvons entrer demanda encore Mc Search.
-Oui, oui dit la femme d'une petite voix.
Les quatre hommes entrèrent un à un avant de s'installer dans le salon.
-Que voulez-vous à mon mari demanda la femme de Kenny Thom, une dame d'une cinquantaine d'année aux cheveux entièrement blancs et à l'allure effacée.
-Rien de spécial, seulement lui poser quelques questions à propos de Penelopa Dewres, vous savez la jeune hollandaise qui a été assassinée dit l'assistant de l'inspecteur.
-Ah ! Oui, mais... répondit-elle quand soudain des bruits de pas venus d'en haut l'arrêta.
-Il y a quelqu'un en haut questionna Seerock.
-Non, il n'y a personne dit la femme de Thom.
-Nous allons quand même jeter un coup d’œil Madame Thom si vous n'y voyez pas d'inconvénient dit Mc Search.
Les hommes de police suivis de Bagzak, de McTaggart et de la femme de Kenny Thom entrèrent dans une pièce du haut. La pièce était un grand grenier aménagé en salon aux murs entièrement blancs donnant à l'endroit une clarté étonnante. Kenny Thom se tenait assis sur une chaise devant un bureau dans le fond de la pièce.
-Bonjour Messieurs dit-il d'un ton amical.
-Ces hommes enquêtent sur la mort de Penelopa Dewres lui dit sa femme.
-Bien, bien et que voulez-vous savoir répondit le propriétaire du Pub en restant calmement assis adossé à sa chaise.
Les hommes de police s'assirent dans un canapé près de Thom tandis que Bagzak et Mc Taggart s'assirent dans un fauteuil faisant face à Thom. Sa femme restait, elle, debout près de la porte.
-Que faisiez-vous le sept janvier au soir interrogea Mc Search.
-Le sept janvier de cette année vous voulez dire répondit le patron du pub.
-Oui, de cette année précisa Seerock.
-De cette année, je ne sais plus, vous m'auriez demandé l'année dernière, j'aurais pu vous répondre, mais cette année... répondit-il nonchalamment en soupirant. .
-Je répète dit Mc Search, que faisiez-vous le sept janvier de cette année dans la soirée.
-Ecoutez, vous n'allez pas me dire que vous ne le savez pas, j'étais au vernissage de l'exposition de photo de Brian Seebird répondit finalement Kenny Thom. .
-Avez-vous vu Penelopa, ce soir là questionna Seerock.
-Je l'ai vu, oui dit-il.
-Lui aviez-vous parlé demanda encore l’assistant.
-Non, quelqu'un me l'a présentée à un certain moment, mais nous n’avons pas échangé un mot affirma l'homme fixé à son bureau.
-Ah ! Oui, qui ça rétorqua le patron du café en fixant Bagzak.
Depuis qu'il était assis dans cette pièce, les yeux de Bagzak étaient rivés sur le tapis beige de la pièce, à peine avait-il une fois jeté un regard furtif vers la petite fenêtre. A la réponse de Thom, ses yeux se levèrent lentement en direction du visage du propriétaire du pub avant de le questionner directement.
-Pourquoi mentez-vous ? .
-Je ne mens pas. Vous voulez que je raconte ce que vous, Bagzak, avez l'habitude de faire sur cette île, espèce de petit drogué minable dit le résident de la maison en le fixant des yeux.
-Il n'y a pas de drogués sans drogues, Monsieur Thom lui répondit l’homme assis en face de lui.
-Monsieur Thom, il se fait que deux personnes affirment vous avoir vu discuter longtemps avec Penelopa Dewres dit l'inspecteur de police.
-Et moi, je vous dis que je n'ai pas parlé à cette dame dit-il en se levant pour traverser la pièce. N’avez-vous pas entendu frapper, j’ai encore de la visite semble-t-il. .
-Je vais voir dit sa femme.
-C’est Joris Van Bliksem dit-elle à son mari quelques secondes plus tard. Il veut te voir.
-Joris Van Bliksem, quelle bonne surprise dit l’inspecteur de police. Dites-lui donc de nous rejoindre. Une fois, le Hollandais monté à l’étage et assis sur une chaise près du bureau de Kenny Thom, le détenteur des lieux reprit la parole. .
-Je disais donc que je n’ai pas parlé à Penelopa. Par contre, je connais quelqu’un qui a longuement parlé à Penelopa. N’est-ce pas Monsieur Van Bliksem, vous arrivez à point nommé. Vous aussi, auriez souhaité voir vos photos exposées à Cumbrae. Vous étiez un peu triste d’être privé d’une exposition tant vous auriez, vous aussi, aimer être le héros de la soirée. Un peu triste est même un mot un peu faible tant il est vrai que vous étiez furieux que vos photos ne soient pas exposées…
-Ce que vous dites est exact. Mais la mort de Penelopa n’a rien à voir dans tout cela répondit Van Bliksem.
-Je n’ai pas pu exposer vos photos parce que je ne les ai jamais vues. Il ne fallait pas les lui confier. Ce n’est pas de ma faute si elle les a perdues répondit Thom.
-Je n’ai rien confié à Penelopa. Ce qui s’est passé, c’est que mes photos ont été volées. Vous les aviez bel et bien vues. Mais les avez-vous fait disparaître vous-même ou quelqu’un d’autre s’en est chargé, je l’ignore. Toujours est-il que vous auriez dû les conserver plus prudemment… A vrai dire, je pense de plus en plus que vous me les avez subtilisées car elles vous dérangeaient et c’est bien pour cela que je suis venu chez vous cet après-midi. .
-Bien, bien d’accord mais vous pensiez que Penelopa aurait pu vous en dire plus, n’est ce pas dit-il en s’asseyant à présent sur son bureau et en fixant des yeux le Hollandais. .
-C’est vrai mais…
-Mais quoi dit soudainement l’Inspecteur.
-Penelopa m’a dit qu’elle pensait savoir que le voleur de mes photos était dans l’assistance. Je lui ai alors demandé de m’en dire un peu plus. Elle m’a parlé d’un marginal qui se droguait. Comme, je n’en connaissais pas, je lui ai demandé de qui s’agissait-il et qu’elle me dise aussi d’où provenait ses informations. Mais je n’ai pas pu en savoir plus. Elle voulait bien en parler mais seulement en d’autres lieux a-t-elle ajouté.
-Dans quel état vous trouviez vous à ce moment là demanda encore l’Inspecteur.
-J’étais très nerveux, je l’admets bien volontiers..
-Vous aussi, vous utilisez un mot faible dit cette fois-ci Bagzag. Vous étiez tout simplement furieux. Vous êtes sorti avec elle de la salle, n’est ce pas ? .
-Je suis sorti en effet, mais sans elle. J’ai quitté le vernissage à ce moment-là sans penser une seconde à ce qui allait arriver à Penelopa.
-Que lui est-il donc arrivé après que vous ayez quitté le vernissage est donc la question à laquelle nous devons répondre dit ensuite Mc Search en posant un bref regard sur chaque personne présente dans la pièce avant que sans qu’il ne dise un mot, son regard se refixa sur Kenny Thom. Ce dernier se tenait à présent debout légèrement appuyé sur un petit meuble à tiroir du fond de la pièce. Les regards de l’assistant, du journaliste, de Van Bliksem et de Mc Taggart suivirent celui de Mc Search. Finalement la femme de Kenny Thom rompit le silence.
-Kenny dit sa femme, Kenny... Ne crois-tu pas que le temps est venu de dire la vérité...
-La vérité, quelle vérité demanda-t-il.
-Que Penelopa était ici le jeudi sept janvier vers vingt-deux heures, que tu lui as demandé pendant dix fois où était son collègue Joris, qu'elle ne pouvait pas te répondre et que cela te rendait fou lui répondit-elle. .
-Qu'est-ce que tu racontes, c'est toi qui devient folle, je crois. Ecoutez, je n'ai rien à vous dire, moi, je n'ai fait que la saluer cette fille ajouta-t-il. .
-Dis-leur un peu ce qui se trouve dans le premier tiroir du meuble qui se trouve derrière toi demanda-t-elle.
-Ouvrez-nous ce tiroir Monsieur Thom demanda Mc Search.
Les regards des six personnes se dirigèrent encore une fois vers Kenny Thom. A la demande de l'inspecteur, il s'éloigna lentement du meuble à tiroirs en direction de la fenêtre, regarda au dehors quelques secondes avant de se retourner et d'observer Seerock en train d'ouvrir le premier tiroir du meuble. L'assistant de Mc Search prit ce qui semblait être un chiffon froissé, le déplia et découvrit un drapeau à l'emblème écossais. Au même moment, Kenny Thom rejoignit son bureau au fond de la pièce, s'assit et reprît son souffle.
-C'est avec ce drapeau que Penelopa a été étouffée ici le jeudi sept janvier vers vingt deux heures dit-il d'un ton calme.
-Bien, Monsieur Thom, merci pour votre collaboration, vous viendrez nous en dire un peu plus à propos de tout cela au commissariat dit Mc Search.

Les deux policiers emmenèrent le meurtrier menottes aux poings et reprirent la route vers le ferry pour rejoindre leur commissariat. Sur la route, ils saluèrent le petit Bruce, le jeune garçon qui avait découvert le corps de Penelopa. Ce dernier roulait à vélo avec quelques amis le long de la baie de Millport pendant que sur la plage d'autres enfants s'initiaient à l'équitation. Le printemps se faisait maintenant pleinement sentir. Les arbres commençaient à s’étoffer, les nuages s'étaient entièrement dissipés et l'air était doux. La fin de la soirée approchant, le soleil se fit plus discret. Cumbrae peu à peu s'endormait.






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"-ABM Pays-Bas bonjour, mon nom est Britt Becker, en quoi puis-je vous être utile ?" retour